Le Sahara et le mirage du Maghreb
«Je suis optimiste quant à cette
première rencontre informelle qui, j'en suis sûr, apportera une contribution
importante à la recherche d'une résolution du conflit ( le Sahara) qui dure déjà
depuis trop longtemps et qui entrave le travail qui doit être fait au niveau de
l'intégration régionale». C'est ainsi que M. Christopher Ross s'est exprimé hier
à l'issue de ses entretiens avec les responsables marocains. L'Envoyé personnel
de M. Ban Ki-moon a exprimé deux vérités, deux situations objectives
consubstantiellement liées à l'évolution de ce dossier.
La première
relève de son optimisme affiché, et venant de la part de l'un des premiers
responsables du dossier, on ne peut que s'en féliciter. Il l'exprime en effet à
l'issue de la tournée qu'il vient d'effectuer à Alger, à Tindouf et à
Nouakchott, ce qui laisserait entendre ou supposer que sa visite a été marquée
peut-être par un optimisme de bon aloi. Deuxième volet significatif de cette
déclaration, et ce n'est pas le moindre : l'intégration entravée du Maghreb dont
le diplomate onusien parle comme non sans une pointe de déception. Elle est
tributaire, cette intégration, d'une normalisation maroco-algérienne, elle-même
conditionnée par un règlement consensuel de l'affaire du Sahara. Christopher
Ross, qui a vécu à Fès il y a quelques années déjà, ensuite à Alger en qualité
d'ambassadeur des Etats-Unis, connaît bien les tenants et aboutissants de ce
projet ambitieux qu'est le Maghreb, constamment invoqué mais plus que souvent
renvoyé aux calendes grecques, enterré avant sa nouvelle naissance à la fin des
années quatre-vingt-dix.
Si l'Envoyé personnel de Ban Ki-moon au Sahara
évoque, aujourd'hui, explicitement le problème sous cette double dimension,
c'est bel et bien pour souligner l'enjeu ou les enjeux de cette affaire qui,
pour avoir commencé sous l'angle d'une revendication territoriale et légitime du
Maroc, s'est transformée en un conflit bilatéral maroco-algérien. L'affaire du
Sahara a dévoilé les ambitions hégémoniques - il n'y a pas d'autres mots - d'une
Algérie qui, après avoir récupéré son Sahara et même reconnu la marocanité du
Sahara marocain (dit occidental), s'est transformée ensuite en un redoutable
adversaire de notre cause. Elle s'est surtout découverte une vocation de
défenseur de l'autodétermination des peuples, occultant que le peuple marocain
qui n'a jamais ménagé son soutien à la lutte de libération du peuple algérien,
avait aussi droit à revendiquer et à combattre pour son Sahara.
Le Maroc
-les archives de l'organisation mondiale en témoignent- a posé devant les
Nations unies le problème de récupération de son Sahara en 1956 déjà! L'Algérie
était encore sous occupation française et le pseudo-polisario, qui n'avait vu le
jour qu'en… 1973 dans les fourgons des « services » franquistes et algériens. Le
Maroc, par la voix de feu Mohammed V, avait récusé l'offre que le gouvernement
français lui avait faite en 1961 de récupérer son Sahara et d'en finir avec
cette revendication territoriale des provinces situées dans le sud-est, dans le
Touat, Tindouf et autres. Feu S.M. Mohammed V avait rejeté la proposition de
manière solennelle et indiqué à ses interlocuteurs qu'il attendrait «la
libération de l'Algérie sœur pour discuter avec les frères algériens des
frontières et des territoires marocains sous colonisation française dans cette
région, incorporés de force à l'Algérie».
Quand l'Algérie sera libérée
et rendue indépendante en juillet 1962, non seulement les territoires du sud-est
étaient incorporés ipso facto à l'Algérie, mais celle-ci s'est jetée dans une
guerre inattendue en octobre 1963, envahissant Figuig et sa région. Ensuite,
elle a concocté son «plan de bataille» pour empêcher que le Maroc ne récupère
son Sahara. Au prétexte de défendre le peuple «sahraoui», dont l'appellation,
pas plus qu'une fiction ne résiste guère à l'examen, le gouvernement algérien
dans sa constance et ses variantes, s'est fait un champion de l'expansionnisme
vers l'ouest. Qu'il ait envisagé une sortie vers l'Atlantique, disons un
couloir, pour convoiter ses minéraux extraits à partir de Gara Djebilat, pour
les acheminer au large de l'océan vers l'Amérique, personne n'en doute! Feu S.M.
Hassan II, tout à sa vision stratégique, l'avait bel et bien compris et a même
proposé la mise en place de ce couloir, l'exploitation commune des minerais de
la région, tout ceci dans le cadre d'édification de ce Grand Maghreb où les cinq
Etats, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Mauritanie ont plus à gagner qu'à
perdre.
La mise en commun des richesses, et Dieu sait que la région en
regorge, pétrole, gaz, minerais différents, agriculture, pêche, industrie,
tourisme et surtout un réservoir inouï de ressources humaines compétentes, leur
valorisation aussi peuvent apporter au Maghreb ce que d'autres régions
rêveraient d'avoir et dont elles pourraient se prévaloir aussi. L'affaire du
Sahara, éternelle pomme de discorde entre le Maroc et l'Algérie, a conduit cette
dernière à fermer les frontières terrestres, autrement dit à enterrer le symbole
de vie entre deux peuples qui, faut-il le répéter, n'ont jamais connu d'autres
horizons que l'hostilité réciproque.