Sahel-AQMI: le cas d’«Omar Sahraoui» est exemplaire de la dérive du Polisario (Saint-Prot)
Charles Saint-Prot, Directeur de l’Observatoire d’Etudes Géopolitiques
de Paris, estime dans un entretien accordée à atlasinfo.fr que le Front
Polisario constitue l’un des principaux facteurs de déstabilisation et
d’insécurité dans la région sahélo-saharienne. Selon cet expert, Le cas
d’ »Omar Sahraoui », qui a reconnu devant le tribunal de Nouakchott être
un membre du Polisario et avoir servi de guide aux ravisseurs des
otages européens, est particulièrement exemplaire la dérive du
Polisario.
Sahel-AQMI: le cas d’«Omar Sahraoui» est exemplaire de la dérive du Polisario (Saint-Prot)
Des
indices témoignent d’une collusion entre Al Qaeda au Maghreb Islamique
(AQMI) et des éléments du Front Polisario. Des experts et des
responsables politiques tirent la sonnette d’alarme. Quelle est votre
analyse ?
Charles Saint-Prot: Le Sahel est devenue une plaque
tournante de toutes sortes de commerces criminels : contrebande (fuel,
cigarettes, voitures volées, matières premières), traite humaine
(candidats à l’immigration), trafic d’armes et de drogue. La présence
d’un groupe paramilitaire comme le Polisario vient ajouter un risquer
supplémentaire d’insécurité dans une région qui est la proie de la
grande criminalité et au terrorisme. L’implication de certains membres
du Polisario dans les trafics est fort probable compte tenu du fait que
les bandes de cette organisation parcourent librement des territoires
quasi désertiques des confins algéro-mauritaniens. De fait, le Polisario
est en perte de vitesse. Il pourrait devenir une sorte d’électron libre
échappant à tout contrôle. Du coup, son évolution pourrait suivre le
processus qui a été celui des FARC colombiennes, lesquelles sont passées
du marxisme –léninisme au banditisme et au narco-terrorisme. Dans la
mesure où tous les trafics liés au grand banditisme sont connecté aux
groupes terroristes qui s‘agitent au Sahel Plus inquiétant encore est le
fait que tous les trafics liés au grand banditisme sont connecté aux
groupes terroristes qui s‘agitent au Sahel, en particulier Al Qaïda au
Maghreb islamique (AQMI), ex-GSPC, ex-GIA algérien et d’ailleurs tout
aussi nébuleux et louche que ces prédécesseurs, il est inévitable que
des connexions s’établissent entre le Polisario et AQMI. Il convient de
se souvenir des origines du Polisario, ses liens anciens avec les
terroristes de l’ETA basque, ses actions terroristes (comme l’attaque
d’un bateau espagnol en 1985). Le risque est que le Polisario revienne à
son ancienne vocation terroriste. Or, ce risque a trouvé un début de
consistance avec l’arrestation en janvier 2004 d’un certain Ould
Mohammed Bakhili et de plusieurs autres agents du Polisario qui avaient
volé d’énormes quantités d’explosifs et de matériel susceptible de
servir à des attentats. Il est indéniable que le Polisario constitue
désormais l’un des principaux facteurs de déstabilisation et
d’insécurité dans cette partie de l’Afrique.
Omar Ould Sid’Ahmed
Ould Hamma, dit « Omar le Sahraoui », serait un membre de Polisario.
Est-ce que les camps de Polisario pourraient servir de bases de
recrutement d’AQMI ?
Charles Saint-Prot: Le cas d’Omar Sahraoui est particulièrement exemplaire de la dérive du Polisario. Le délitement de cette organisation qui n’a jamais été qu’une marionnette de l’Algérie pour une aventure sans issue, est incontestable. Toute une partie des miliciens les plus activistes et les plus violents qui végètent dans les camps de Tindouf, peuvent être tentés de rejoindre les rangs des groupes terroristes, C’est précisément ce qu’a fait Omar Sahraoui qui a reconnu devant le tribunal de Nouakchott, être un membre du Polisario et avoir servi de guide aux ravisseurs des otages européens. Les camps de Tindouf pourraient devenir le vivier des organisations terroristes qui sévissent dans la région. Ce risque peut d’autant moins être écarté qu’en refusant de négocier raisonnablement, le Polisario s’enferme dans une marginalisation qui le conduira inexorablement à des impasses qui ne feront qu’accentuer les tentations de fuite en avant.
Dans son discours devant la Conférence annuelle des Ambassadeurs, le président Sarkozy a insisté sur l’aide que doit apporter la France au Maghreb dans la lutte contre le terrorisme…
Charles
Saint-Prot: Une partie de la partie méridionale du Maghreb et le Sahel
sont devenus une zone d’instabilité et d’agitation dangereuse pour les
pays de la région et pour l’Europe. Si l’on veut éviter que le Sahel se
transforme en nouvel Afghanistan ou en une nouvelle Somalie, il faut
lutter avec la plus grande fermeté et sans aucune concession. A cet
égard, la France doit coopérer largement avec les pays qui combattent le
terrorisme sérieusement et sans ambiguïté, en particulier le Maroc. Il
faut également apporter un soutien total à la Mauritanie qui manque de
moyens.
Par ailleurs, il convient de ne pas négliger l’aspect
politique du problème. Il est constant que le conflit entretenu sur le
Sahara par le Polisario et son mentor contribue à accentuer les risques
d’insécurité en venant se combiner aux nombreux facteurs de risques de
la région sahélienne d’une situation régionale inquiétante. Dans ces
conditions, une seule conclusion s’impose : il faut est urgent de
tourner définitivement la page de ce conflit artificiel qui n’a que trop
duré. La solution est simple, tout le monde la connait : c’est le
désarmement du Polisario et un règlement fondé sur l’initiative
d’autonomie proposée par le Maroc depuis 2007.